Comment je lutte contre une projet d’entrepôt logistique

1 – Le processus

C’est avec plaisir que nous vous proposons ci-dessous une présentation sommaire du processus auquel nous avons été confrontés à plusieurs reprises, ainsi que quelques pistes de luttes.
N’hésitez pas à nous contacter pour de plus amples informations.

2 – S’informer

La première chose à faire est de s’informer. Bien souvent on découvre qu’un projet d’entrepôt arrive dans notre ville quand le projet est bien avancé. En effet, les élus sont peu enclins à communiquer sur ce genre de projets qui vont à contre-courant des changements climatiques en cours.

Pour récupérer des informations sur les projets d’entrepôts les différents moyens à votre disposition sont :

  • les comptes rendus de conseil communautaire (bien souvent les décisions sont prises au niveau des communautés de communes et non pas au niveau communal)
  • La presse
  • Les modifications des PLUi. Les modifications de zonage apportent des informations. Exemple typique : déclassement d’une zone agricole de surface conséquente vers une zone à urbaniser.
  • Les achats ou mises en vente d’importantes surfaces de terrain

3 – Les étapes / procédures administratives

Les procédures sont toujours les mêmes lors du développement d’un projet d’entrepôt logistique. Ce sont des procédures, au nombre de 3, qui peuvent prendre chacune plusieurs mois. Ces procédures sont conduites par les élus avec leurs administrations (Service de l’urbanisme)et la préfecture.
Pour chaque procédure, les citoyen·nes sont informés par un arrêté qui annonce une enquête publique ou une consultation du public. Cependant il faut quand même aller chercher l’information qui est souvent peu visible (affichage en mairie et site internet, site de la préfecture, affichage sur le terrain). A chaque étape décrite ci-dessous, des recours gracieux ou contentieux sont possible.

Voici les procédures administratives :

1. Révision du PLUi : Il faut une surface disponible importante pour implanter un entrepôt de plusieurs hectares. En général les PLUi doivent être modifiés pour rendre le projet compatible avec ce PLUi.
Par exemple quand la zone prévue n’est pas constructible et/ou nécessité d’une dérogation Loi Barnier qui vise à réduire les marges d’inconstructibilité de 75 m et 100 m.


2. Permis de construire : Une fois le PLUi compatible, le porteur de projet d’entrepôt logistique peut déposer une demande de permis de construire en mairie. Les services de l’urbanisme instruisent le projet (vérifient sa compatibilité par rapport aux règles d’urbanisme, au PLUi, etc…)

3. Dossier ICPE (Installation Classée pour la Protection de l’Environnement) : C’est un dossier qu’un porteur de projet va déposer à la préfecture. Les services de la préfecture étudient ce dossier. Le porteur doit fournir un dossier avec un certain nombre d’études : biodiversité, circulation, incendie, bruit, analyse environnementale, gestion de l’eau, gestions des déchets, etc…
La réglementation des ICPE définie les trois procédures ou régimes.


C’est la taille du projet, qui définit le régime ICPE :

  • régime Déclaration (D) : pas d’information du public, la préfecture délivre une preuve de dépôt du dossier.
  • régime Enregistrement (E) : consultation du public à vocation consultative (pas de commissaire enquêteur).
  • régime Autorisation (A):projet soumis à évaluation environnementale,enquête publique, avec avis d’un commissaire enquêteur.

Les régimes ICPE pour les entrepôts sont déterminés par des seuils de volume de marchandises stockées:

  • régime Déclaration, moins de 50 000 m3, soit une surface de bâtiment comprise ente 3500 et 4000 m2;
  • régime Enregistrement, entre 50 000 m3 et 900 000 m3,soit une surface de bâtiment comprise entre 3500/4000 m2 et 60 000 / 70 000 m2
  • régime Autorisation, plus de 900 000 m3, soit une surface de bâtiment de plus de 60 000 / 70 000 m2


A chacune de ces procédures, des recours sont possibles : des recours gracieux et des recours contentieux. Nous verrons plus loin les modalités.

4 – Les recours contre les projets d’entrepôts logistiques

4.1 – Généralités

Comme écrit ci-dessus, des recours peuvent être menés pour chaque procédure.
Pour que les recours soient pris en compte par le tribunal administratif compétent, il faut que les requérent·es aient un intérêt à agir.

L’intérêt à agir : Cela signifie que tout le monde ne peut pas contester un projet. La jurisprudence retiendra par exemple :

  • les personnes voisines du projet (distance < 500m, idéalement < 150m)
  • Les associations locales (à l’échelle d’un territoire, commune ou communauté de communes) ayant dans leurs statuts la possibilité d’ester en justice. Il faut aussi que les associations soient en lien avec le type de projet (ex : une asso musicale, non ! une asso environnementale : oui !)
  • Une entreprise riveraine

Il y a bien sûr de nombreuses subtilités. Pour un recours contre le permis de construire fait par une association, celle-ci doit avoir déposer ses statuts en préfecture 12 mois avant la date d’affichage en mairie de la demande du permis de construire (code de l’urbanisme). Ceci n’est pas nécessaire pour un recours contre un dossier ICPE déposé en préfecture (code de l’environnement).

Il existe 2 types de recours :

  • Le recours gracieux
  • le recours contentieux

4.2 – Temporalité

Les recours doivent être déposés dans un délai de 2 mois après les dates d’approbation des PLUi, ou permis de construire ou arrêté préfectoral ICPE.
Vous pouvez dans un premier temps déposer un recours gracieux, qui s’il est rejeté, ouvre la voie à un recours contentieux. Ce recours gracieux permet donc de gagner un peu de temps.

4.3 – Les recours et leur financement

Le recours gracieux est gratuit et peut être déposé par « n’importe qui » sans compétence particulière. Un simple courrier avec AR à l’autorité compétente (Communauté de commune, Mairie, préfecture).
Cette même autorité a 2 mois pour répondre. Sans réponse au bout de 2 mois, le recours gracieux est considéré rejeté.

Le recours contentieux devra être déposé devant le tribunal administratif compétent et nécessite bien souvent les compétences d’un avocat spécialisé en urbanisme et environnement.
Il vous en coutera quelques milliers d’euro par recours.

Le financement : Si vous êtes riverain·es du projet et détenteur d’une protection juridique (bien souvent c’est le cas avec votre assurance habitation), celle-ci peut financer tout ou partie du recours. Si vous êtes plusieurs requérant·es, plusieurs protections juridiques peuvent s’associer et permettre de financer allègrement le ou les recours.

5 – S’organiser

Ce paragraphe s’attache à donner la méthode que nous avons appliquée pour lutter contre ces projets logistiques. Il y a sûrement d’autres possibilités que nous serions heureux d’ajouter si vous les partagez.

Voici la nôtre, pas forcément dans l’ordre exact, ni exhaustive :

  1. Créer une association ayant intérêt à agir (statuts sur demande)
  2. Organiser des réunions publiques avec les citoyen·nes pour informer et fédérer (réaliser des tractages sur les marchés, dans les boites aux lettres pour inviter)
  3. Prendre contact avec des associations environnementales locales
  4. Rédiger des communiqués de presse et les partager avec la presse locale
  5. Lire les délibérations des communautés de communes
  6. Participer aux réunions des conseils communautaires pour voir comment sont débattus les sujets, repérer les élus qui sont contre
  7. Demander à prendre la parole lors des conseils municipaux / communautaires (peut être refusé)
  8. Organiser des réunions publiques avec les citoyen·nes pour informer et fédérer
  9. Lire et synthétiser les dossiers de permis de construire, ICPE, PLUi
  10. Contacter un avocat spécialisé
  11. Recours devant la CADA (La Commission d’Accès aux Documents Administratifs) si la préfecture ou la mairie fait de la rétention d’information. L’administration est en devoir de nous/vous partager les documents publics et les éléments des différents dossiers.
  12. Récupérer et travailler les arguments défavorables développés par les services de l’administration (DREAL, Etc…), et il y en a bien souvent.
  13. Organiser des réunions publiques avec les citoyen·nes pour informer et fédérer

6 – Conclusion

La lutte sera longue, probablement plusieurs années, mais le temps est notre meilleur allié ! N’attendez malheureusement rien des administrations, attendez peu des enquêtes publiques et des avis des commissaires enquêteurs qui sont souvent favorables ou non suivis s’ils sont défavorables.
N’hésitez pas à nous contacter, nous nous ferons un plaisir de partager nos trop nombreuses expériences avec vous.